Le Mariage de Figaro
Acte III
Scène 5
10 ans après le Barbier de Séville, Beaumarchais va écrire « Le Mariage de Figaro » et va retrouver les mêmes personnages mais dans un contexte différent. Le Comte a épousé Rosine, d'un mariage qui a calmé ses ardeurs. Figaro, toujours au service du Comte, veut épouser Suzanne, que son maître convoite également.
Cette évolution s'accompagne d'une critique renforcée ; Figaro devient donc le rival de son maître. La complicité auparavant répandue entre les deux hommes est perdue, la rivalité est un thème nouveau. C'est vrai d'autant plus qu'il s'agit d'une pensée avant-gardiste : il était à l'époque impensable que les valets concurrencent les maîtres.
La scène III5 montre l'affrontement des deux rivaux. Le Comte veut sonder Figaro pour savoir s'il connaît son amour pour Suzanne. Figaro, qui sait tout, feint d'ignorer et détourne la conversation.
I - Le combat verbal
1. La construction
- Elle met en valeur les différentes phases du combat.
- On peut retrouver trois étapes dans ce passage, chaque étape s'achève par une conclusion, qui est souvent sous forme d'aparté.
- 1e partie : On trouve des répliques courtes. Le comte met Figaro au courant d'un voyage à Londres. Le prétexte qu'il utilise pour ne pas emmener Figaro l'entraîne dans sa tirade. Les deux apartés qui délimitent cette partie sont parallèles : « il ne sait rien », « il croit que je ne sais rien ». On a déjà le sentiment d'une victoire de Figaro.
- 2e partie : Figaro apparaît sûr de lui-même, insolent. Il maîtrise davantage son maître. Ce mouvement ce termina par une aparté.
- 3e partie : Critique de la politique. Dans celles-ci, on a des tirades importantes comme dans le premier mouvement.
- Caractéristiques des deux tirades :
- 1e tirade : elle met en valeur la subtilité de Figaro. Le Comte veut ne pas l'emmener, à cause de la langue, mais Figaro rétorque qu'il la connaît (« je sais god-dam ».
- On retrouve trois étapes : le repas (« Demande », « Vin », « Poulet »), la boisson (« Bière ») et la « relation amoureuse » (« câlin », « gifle »).
- Le comique vient de la répétition. On a trois histoires, de forme identique.
- Cette tirade nous apprend la débrouillardise de Figaro. Manifestement, il est déjà allé à Londres.
- 2e tirade : C'est une digression de Figaro dont le but est de distraire la méfiance du Comte. Elle est centrée sur l'expérience de Figaro sur la politique, et sa lucidité.
2. Les caractères du combat verbal
- Il s'agit pour Figaro d'éviter son sondage par le Comte, de gagner du temps. Il ne répond pas aux questions du comte, utilise de fausses excuses.
- Il contre-attaque : à « je la préviens de tout et la comble de présents » il répond « vous lui donnez mais êtes infidèle. Sait-on gré du superflu, à qui nous prive du nécessaire ? ».
- Autre exemple : « autrefois tu me disais tout », « et maintenant je ne vous cache rien ». Cette réplique traduit l'insolence et la vivacité de Figaro. C'est dans ces répliques brèves que l'on voit le vif combat entre les deux personnages.
II - La critique sociale
1. La critique sociale vis-à-vis du Comte
- Figaro est très insolent envers le Comte, qui ici représente tous les nobles, que Figaro déteste.
2. Critique de la société
- Elle se fait par rapport au mérite non reconnu de Figaro.
- Il est en effet le valet d'un maître moins talentueux que lui.
- A la suite de la seconde tirade, le Comte dit « c'est l'intrigue que tu définis ». Selon Figaro, la politique équivaut à l'intrigue. Elle n'est pas claire, c'est une série de man_uvres. On retrouve d'ailleurs le champ lexical de l'intrigue, de l'hypocrisie.
- On retrouve des figures de styles : paradoxes, oppositions (ignorer / savoir), des antithèses...
- En outre, Figaro dénonce parfois la politique avec précision : il dénonce les « cachets », les lettres interceptées.
III - Les relations maître - valet
1) La situation de compétition
- Auparavant, le valet n'avait pas de moyen de rivaliser avec son maître. Mais ici, le maître veut séduire la fiancée du valet.
- L'égalité de l'objet du conflit amène l'égalité des combattants. Il n'y a plus d'opposition entre maître et valet, mais plutôt entre deux hommes qui aiment une femme.
2) Comparaison des deux personnages
- L'un est supérieur par le rang, l'autre par son expérience, son esprit vif, et son courage.
- Figaro emploi deux termes dépréciatifs pour qualifier le Comte : « médiocre et rampant ».
- Le dialogue montre la faible répartie du Comte et la médiocrité de son esprit.
3) On pressent la victoire de Figaro
- Elle n'est pas manifeste, mais on peut néanmoins la ressentir.
- Les trois pauses montrent que Figaro a triomphé du Comte.
- Figaro est le meneur de jeu que le Comte voulait être au début du dialogue.
Conclusion : Les intérêts du passage sont multiples. La structure du texte est originale car c'est un affrontement verbal, véritable duel avec esquives, contre-attaques, digressions. Même si le passage ne fait pas évoluer l'action, il donne en revanche une nouvelle idée des relations maître - valet et il complète la critique sociale commencée dans « Le Barbier de Séville ».