Alcools
Zone
Zone est le premier poème du recueil poétique d'Apollinaire : « Alcools ». En grec, Zone signifie « ceinture » : cela fait apparaître l'idée d'un recueil cyclique.
Ce premier poème est tel un manifeste poétique : l'auteur y définit implicitement sa poésie.
On retrouve dans ce poème une unité de l'expression, mais aussi une variété des thèmes abordés : Paris, éloge de la modernité, de la religion, description des rues, souvenirs d'enfance.
On peut retrouver dans ce texte des traces de la peinture cubiste. Dans celle-ci comme dans le poème, chaque objet est éclaté selon les interprétations.
I - La modernité
1. La modernité revendiquée
- Dès le début du texte, on trouve deux expressions caractéristiques : « tu es lasse de ce monde ancien », « tu en a assez de vivre dans l'antiquité grecque et romaine ».
- Apollinaire est exaspéré par l'ancien : « Même les automobiles ont l'air anciennes ». Les adjectifs « jeunes », « neuves » s'opposent avec « ancienne », « monde ancien ».
2. Les thèmes évoqués
- La présence du quotidien se retrouve dans ces vers.
- On retrouve la tout Eiffel, construite en 1889en objet périssable, les parisiens s'y sont habitués et elle n'a pas été détruite. Elle représente la modernité. Les artistes choisissent la tour Eiffel comme source d'inspiration (Delonet, Chagall). La tour Eiffel est souvent présente à l'arrière-plan des tableaux.
- D'autres thèmes suggèrent la modernité : « Hangar de Port-Aviation », Automobiles, diverses écritures (pancartes, affiches, catalogues = poésie du matin).
- Les activités évoquées sont modernes :
- Départ au travail le matin
- « Le troupeau des ponts bêle ce matin » => Animation. Chez Apollinaire, le thème du passage est récurrent. Tout ce qui se passe retient l'attention de l'auteur. L'eau, les moutons, un régiment, et tout ce qui suggère le passage apparaît (cf. « Mai »). Pas de hiérarchie.
- Chaque objet est associé à un son qui n'a pas de rapport avec lui (« bêle », « aboie », « gémit », « criaille »).
- Présence de la rue « industrielle » (référence à la modernité).
- De même que les objets, les comportements différents sont évoqués :
- Simplicité des termes : directeur, ouvrier, sténodactylographe...
- Les personnes évoquées vont au travail. Le temps, élément lyrique par excellence, est rythmé par le travail, déterminé par la sirène et la cloche, mesurable : « 4 fois par jour », « 3 fois ».
3. La forme poétique
- La poésie n'est plus versifiée comme avec Baudelaire.
- Les vers ont n'importe quelle longueur. On ne trouve pas de rime, parfois seulement des assonances (répétition de voyelles).
III - Le lyrisme moderne
1. La présence de l'auteur
- Emploi de « tu » (contraire du « je » lyrique habituel), un peu déroutant. Il représente néanmoins l'auteur.
- Emploi de « vous » (évocation de l'enfance).
- Pourquoi employer la seconde personne ?
- Elle amène une certaine distance
- Elle peut symboliser le lecteur.
- Quand Apollinaire parle de ses sentiments profonds, il utilise « je » : « j'aime... ».
- « Tu » désigne aussi le christianisme et le Pape.
- Apollinaire emploie « tu » pour son camarade et « vous » plus tard.
2. Les divers thèmes lyriques
a) Paris
- Apollinaire a un vrai goût pour cette ville. Les lieux privilégiés sont le bord de la Seine, les ponts. Il emploie des termes valorisants (« jolie rue »).
- La personnification de la tour Eiffel appartient au registre lyrique.
- On retrouve la cohérence dans l'image : « bergère », « troupeau », « bêle ».
b) Le temps
- Le thème du temps apparaît. Il est rappelé par le passage constant (pont - rue).
- Comme nous l'avons déjà dit, Apollinaire ressent un dégoût pour son époque.
- Lorsqu'il emploie le mot « jeune », cela l'amène à un autre thème lyrique : l'enfance.
c) L'enfance
- Son évocation commence à partir du vers 25 : « Voilà la jeune rue ».
- Souvenir d'enfance = religion.
- Apollinaire a pour souvenir ses années pieuses de collège : « ils quittaient le dortoir pour aller prier dans la chapelle, la nuit ».
- On passe de l'évocation du lieu à celle de l'enfance : « Voilà la jeune rue et tu n'es encore qu'un petit enfant ».
- « Ta mère ne t'habilles que de bleu et de blanc » : Couleurs de la vierge => Enfance => Innocence.
- Il se souvient de son amitié avec René Dalize, mort en 17 (guerre) juste avant Apollinaire.
- Durant la fin de l'extrait, l'auteur fait une fugue pour aller prier0. Il rapporte les événements au présent = présent de narration.
- On trouve une ambiguïté sur le mot « bleu » : bleu de froid (impossible du point de vue grammatical : conflit singulier/pluriel) ou gaz bleu ?
3. La religion
- Apollinaire n'est pas spécialement religieux dans la vie courante, au moment où il écrit. Ses opinions sont fluctuantes : « Dreyfusard par sympathie, anarchiste par provocation ».
- Evocation du christianisme et du Pape. Opposition de l'antiquité avec le christianisme => Paradoxe.
- Les fenêtres l'observent lors de sa fugue, mais la honte le retient de rentrer.
- L'anaphore de « c'est » recouvre l'évocation des vitraux , les couleurs sont vives - jeux de lumière :
1. Lys : Monarchie, pureté
2. Que n'éteint pas le vent : cheveux roux du Christ. Flamme = lumière, foi, éternité, durée.
3. Image du christ et de sa mère. Le vermeil (rouge sang) et le pâle nous font penser au Christ dans les bras de sa mère.
4. Arbre de la vie / de la généalogie. => Image de la bible.
5. Potence (concret) de l'éternité et de l'honneur (abstrait).
6. Etoile de David à 6 branches, chemin des rois mages.
7. Pâques, résurrection
8. Ascension
Conclusion : Nous n'avons vu qu'une minuscule partie de ce poème de plusieurs pages. On y retrouve les thèmes dominants chez Apollinaire : la modernité, le lyrisme, exprimé de différentes façons, et le thème du passage. Ce poème définit en grande partie les thèmes de la suite du recueil.