Le Baroque et le Classicisme

 

I - De la Renaissance au classicisme (1598 à 1660) : Le baroque

 

C'est un mouvement esthétique et littéraire européen, de la fin du XVIe siècle au début du XVIIIe siècle, caractérisé par le parti pris du mélange des genres, de la liberté et de la relativité ornementale : association du grandiose et du facétieux, du réalisme et de l'illusion...

 

L'art baroque est adopté par les Prélats comme par les Princes pour accompagner et glorifier ministère ou puissance. Sous le ciseau et le pinceau des artistes valaisans ou locaux, il fait jouer la lumière, les contrastes, le trompe-l'œil, la vie et remplit l'espace des églises de son décor théâtral en sollicitant la sensibilité autant que l'intellect dans le but de servir la Réforme catholique inaugurée par le Concile de Trente (1545 - 1563).

 

Le mot, d'origine portugaise, apparu en 1531, est d'abord un terme de joaillerie désignant une perle de forme irrégulière. En 1711, il est employé pour la première fois au sens figuré par St Simon qualifiant de "Baroque" une idée bizarre ou incongrue. Ce sens sera entériné par l'Académie en 1740. A la fin du XVIIIème siècle, le terme appliqué aux autres arts devient nettement péjoratif sous la plume des philosophes. Ces jugements de valeur sont formulés par rapport à la norme Classique jugée parfaite.

 

Le baroque est une époque de transition entre la Renaissance et le Classicisme marquée par l'inquiétude et l'instabilité.

 

1. Instabilité politique

Henri IV

-Rétablit la paix : édit de Nantes en 1598 : pluralité des croyances

-assassiné en 1610

Louis XIII

-Affaiblissement du pouvoir

-Montée de la noblesse qui conteste le pouvoir de la bourgeoisie qui demande plus de pouvoir

 

2. Instabilité religieuse

Après les découvertes de Copernic (1543), on sait que la terre n'est pas le centre du monde, de plus l'Eglise catholique romaine s'est définitivement divisée, constituant un véritable traumatisme. Les divisions s'opèrent jusque dans le domaine politique.

-Pluralité des croyances (davantage sur papier que dans les faits)

-crise d'incrédulité

-courant libertin

-Affirmation de la puissance du catholicisme

-Art destiné à impressionner (peintures de Michel-Ange) comme réponse à l'austérité des protestants

 

L'art baroque

Certains artistes, soucieux de conjurer leur désarroi face à cet univers divisé, choisissent de l'exprimer fortement et abondamment. La période baroque continue donc le développement de la culture gréco-latine amorcé à la Renaissance, avec toutefois toutes les exagérations d'ordre esthétique qu'on y connaît.

Et, de 1580 à 1665, les artistes vont exagérer les proportions, ils infléchissent ou démultiplient les perspectives et intensifient les couleurs de leurs œuvres.

-Développement d'un lyrisme foisonnant et d'une préciosité

-Goût pour le fantastique

-Accent sur l'individualisme

-Pluralité et mélange des genres

-Diversité des goûts

Le Baroque au Théâtre

Le Baroque n'est pas simplement une esthétique, il répond à une certaine conception de l'homme et du monde considéré comme étant soumis à un mouvement perpétuel : L'homme dispose d'une large liberté et peut prétendre agir sur ce monde.

Dans le domaine du Théâtre, les auteurs s'affranchissent des règles, mélangeant les genres, et créent des formes nouvelles, monstrueuses au regard de l'harmonie classique.

"L'Illusion Comique" (1636) de Pierre Corneille reste l'exemple le plus remarquable.

 

Le Burlesque

D'inspiration baroque, le Burlesque va apparaître comme genre littéraire. Il désigne un mode d'écriture très en vogue à l'époque de la Régence d'Anne d'Autriche (1643-1660).

Le Burlesque cultive l'art de la discordance et joue sur les effets d'opposition (grand personnage avec un langage vulgaire).

Paul Scarron (1610-1660) sera considéré comme le maître du Burlesque. Il mena une vie de libertin, épouse Mlle d'Aubigné, future Mme de Maintenon. Malade et paralysé, en butte à de perpétuels soucis d'argent, il prend néanmoins le parti de rire de ses malheurs.

 

Autres auteurs Baroques :

Agrippa d'Aubigné 1550-1630

Pierre Corneille 1606-1684

Jean de Sponde 1557-1595

Guillaume De Bartas 1544-1590

 

En 1634 Richelieu fonde l'Académie française

-mission d'épurer la langue et d'en fixer le bon usage

-codification de la langue

-premier dictionnaire

-jugement sur les œuvres : (Ex.: Le Cid de Corneille)

-Établissement de règles qui fonderont la doctrine classique,

-rôle des " doctes "

Cette fondation est l'origine de la pensée classique. Cette pensée va se généraliser et la période classique commencera en 1660, lors de l'intronisation de Louis XIV.

 

II. La monarchie absolue (1661-1685) : L'époque classique

 

La période classique s'étend sur à peine une vingtaine d'années, entre l'intronisation de Louis XIV en 1660 et la révocation de l'édit de Nantes en 1685.Le mot "Classicisme" n'est apparu que vers 1820. Il est dérivé de l'adjectif "classique" qui, au fil des siècles, s'est chargé de sens très variés.

-Dérivé du latin "classicus" désigne ce qui est de premier ordre.

Classique, par extension, désigne ce qui est digne d'être enseigné dans les classes (auteurs antiques et français du XVIIème siècle).

Au début du XXème siècle, "classique" renvoie à l'esthétique dominante du XVIIème siècle français ; faite d'équilibre, de mesure, et d'harmonie.

L'impérialisme politique et culturel de la France s'étendant jusqu'à l'époque napoléonienne, s'est tout naturellement contre le classicisme français que se révolteront l'Allemagne et l'Angleterre, les premiers foyers du Romantisme.

Cette esthétique, à l'opposé de celle du Baroque, et plus tard du Romantisme, correspond à une certaine conception du monde et de l'homme : celui-ci évolue dans un univers parfaitement immuable et achevé. Malgré ses efforts, l'homme demeure soumis à la fatalité et aux lois inéluctables qui pèsent sur sa nature.

Le Classicisme est marqué par la multiplication d'écrits théoriques édictant des règles littéraires strictes et impérieuses. Tous ces codes s'inspireront d'un ouvrage philosophique majeur de l'antiquité : "La Poétique" d'Aristote (334 av. J.C.).Un des grands principes de la doctrine classique est la Raison.

 

1- Plan religieux - le Catholicisme

-devenu religion d'État

-confronté à la Réforme

-pressé à se " réformer "

-développement d'œuvres humanitaires : saint Vincent de Paul

-chasse des libertins (non croyants, matérialistes) par les " dévots "

confronté au jansénisme

L'évêque Jansen affirme que l'homme, corrompu par le péché originel, n'est pas à même d'assurer seul son salut. Il doit faire partie des prédestinés.

-Vision pessimiste de l'homme

-Influence sur Pascal : l'homme victime de sa nature déchue.

-Influence sur Racine : élève de Port-Royal.

 

2. Plan politique

L'autorité royale

-se renforce

-dirige

-contrôle la noblesse

-organise la vie de la cour

 

3. Plan des arts et des lettres

Le roi protège lui-même les arts et les lettres

Les salons autour de la marquise de Rambouillet comme de Mademoiselle de Scudéry et de Madame de La Fayette, pour ne citer que les femmes les plus connues, habituent la cour et les écrivains, en particulier, à un certain raffinement, aux règles de bienséance et à un niveau de culture qui, tout en s'appuyant encore sur les œuvres de l'Antiquité, se dépouille de toute érudition, rendant les œuvres plus accessibles. Ces salons favorisent surtout le français comme langue d'expression de la culture au détriment du latin.

 

La doctrine classique

Comme l'affirme André Blanc, le classicisme est plus un phénomène socioculturel qu'un mouvement ou un courant littéraire proprement dit.

 

1 - Idéal esthétique (qui sera codifié par Boileau)

-recherche d'équilibre, de clarté, de naturel, et d'une certaine finesse dans l'analyse morale et psychologique des personnages.

-imitation des Anciens

-influence de la mythologie et de la littérature gréco-latines. Sénèque, Sophocle, Horace, Plaute et Aristophane servent souvent de modèles aux écrivains classiques.

-ambition de produire des chefs-d'œuvre

2 - Souci de l'universel

-croyance à l'existence de valeurs permanentes

à l'Homme éternel

-intérêt pour la nature humaine (Corneille, Racine...) au détriment de l'individu (Villon, Ronsard)

-rejet du particulier, du concret, du réalisme : vocabulaire plutôt général

 

3. Autorité de la raison

 

Le bon sens

Les théoriciens assignent à l'œuvre littéraire une fonction très sociale : elle doit être utile et représenter pour le public à la fois un agrément et une leçon de morale implicite.

-ce qui est normalement accepté par l'esprit : la vraisemblance. La vraisemblable n'est pas le vrai : elle représente une vérité qu'on a dégagée des apparences du réel, une vérité épurée, idéale, universelle.

-montrer les choses comme elles doivent l'être à l'esprit

-règle des 3 unités :

-unité d'action (Par souci de simplicité, la tragédie doit représenter une seule action complète avec un commencement, un milieu et une fin, ce qui n'empêche pas d'autres petites actions accessoires à cette action principale.)

-unité de temps (Par souci du naturel, l'action doit se dérouler à l'intérieur de 24 heures. Si l'action s'étire sur plusieurs jours, la vraisemblance exige que le dramaturge explique tout ce qui s'est passé pendant tout ce temps, ce qui contrevient au principe de l'unité d'action et vient distraire le spectateur de l'action principale.)

-unité de lieu (Par souci de vraisemblance, le lieu ne peut pas changer dans la suite de la représentation. Ce souci ne peut se faire qu'au dépens de la couleur locale, ce que les dramaturges romantiques dénonceront. L'unité de lieu découle de la logique de l'unité d'action, car une seule action ne saurait se dérouler dans plusieurs lieux.

 

La bienséance : ce qui convient (le bon goût)

-Il faut se garder de mélanger les genres, il faut proscrire le réalisme vulgaire.

-Conformité entre l'agir d'un personnage et son caractère et cohérence du personnage tout au long de la pièce.

-Conformité des personnages à la représentation de ce qu'en fait le spectateur dans la vie courante : cohérence dans le langage, dans les mœurs, dans les sentiments.

-Représentation sur scène d'actions dans la limite de la bienséance, ce qui force le dramaturge à refuser toutes scènes disgracieuses : la mort d'un personnage, le sang sur la scène, par exemple. La suggestion est permise, non la représentation directe.

 

4. Idéal humain

L'honnête homme

-fait preuve de mesure, de retenue et du juste milieu

-sur le plan intellectuel : ouvert, curieux,

-sur le plan social : agréable et poli

-est de bonne compagnie

-possède l'art de plaire

-est profond et divertissant

-évite d'être ennuyeux (le vrai critère en matière d'art et de goût)

 

Les écrivains classiques : caractéristiques de leur écriture

 

Dans l'histoire littéraire de la France, le classicisme est incarné par la génération de 1660-1680 : La Fontaine, pour les fables, Molière pour la comédie, Corneille et Racine pour la tragédie, Boileau pour la poésie didactique et Bossuet pour l'éloquence religieuse.

L'écriture classique est synonyme de concision, de dépouillement, de simplicité et de sobriété. Laissons aux écrivains le soin de parler l'écriture classique.

 

"Enfin Malherbe vint, et le premier en France,

Fit sentir dans les vers une juste cadence :

D'un mot mis en sa place enseigna le pouvoir,

Et réduisit la Muse aux règles du devoir.

Par ce sage Écrivain la Langue réparée

N'offrit plus rien de rude à l'oreille épurée."

Boileau, chant 1, v. 113-140

 

"On gagne beaucoup en perdant tous les ornements superflus pour se borner aux beautés simples, faciles, claires et négligées en apparence. Pour la poésie, comme pour l'architecture, il faut que tous les morceaux nécessaires se tournent en ornements naturels. Mais tout ornement qui n'est qu'ornement est de trop. Retranchez-le ; il ne manque rien ; il n'y a que la vanité qui en soufre. "

Fénelon

 

"Mais tout homme doit toujours parler humainement. Rien n'est plus ridicule pour un héros dans les plus grandes actions de sa vie que de ne joindre pas à la noblesse et à la force une simplicité qui est très opposée à l'enflure."

Fénelon

 

"Malgré toutes ces réflexions et toutes ces plaintes, nous ne pourrons jamais secouer le joug de la rime ; elle est essentielle à la poésie française. Notre langue ne comporte que peu d'inversions ; nos vers ne souffrent point d'enjambement, du moins cette liberté est très rare ; nos syllabes ne peuvent produire une harmonie sensible par leurs mesures longues ou brèves ; nos césures et un certain nombre de pieds ne suffiraient pas pour distinguer la prose d'avec la versification ; la rime est donc nécessaire aux vers français. De plus, les Corneille, les Racine, les Despréaux, ont tellement accoutumé nos oreilles à cette harmonie, que nous n'en pourrions pas supporter d'autres."

Voltaire, Discours sur la tragédie, 1729

"La perfection classique implique, non point certes une suppression de l'individu, mais la soumission de l'individu, sa subordination, et celle du mot dans la phrase, de la phrase dans la page, de la page dans l'œuvre. C'est la mise en évidence d'une hiérarchie".

André Gide

 

" Le classicisme tend tout entier vers la litote. "

André Gide